C’est l’histoire d’un chemin, un petit chemin, un petit parcours de rien du tout, à peine 5 kilomètres, mais un parcours plein de promesses, un parcours cheveux au vent et tête en l’air, un parcours par cœur, de ceux qu’on suit les yeux fermés à force de les avoir arpentés, mais qui réussissent l’exploit de se renouveler à chaque sortie. Il prend sa source sur le bitume, l’air de rien, trottoir banal et conventionnel au milieu de la ville, avant, au détour d’un pâté de maison, de s’écarter furtivement de toute urbanité pour s’ensauvager abruptement, et inviter celui qui s’y aventure à oublier ses habitudes de piéton des villes. Des pierres, des ronces, des buissons sur un sentier étroit qui grimpe allegro : pas de quartier pour les marcheurs du dimanche, on n’est pas là pour faire de la figuration. Pour ceux qui passent ce barrage, une première récompense après dix minutes d’un bon petit dénivelé : une vue imprenable sur le bord de mer. Il faut prendre le temps de souffler une fois arrivé sur le plateau, de prendre de la hauteur. C’est le premier décrochage avec le quotidien, c’est généralement à cet endroit que je laisse derrière moi le stress, les agacements, les gens pénibles, et de manière générale tout ce qui m’a poussée à quitter mon bureau pour aller m’aérer. Je faisais la même chose quand j’avais 10 ou 12 ans pour tromper l’ennui de la campagne. J’avais un chemin secret où j’allais parfois le mercredi après-midi juste pour me remplir la tête avec des arbres et de l’eau, j’allais faire des ricochets au bord de la rivière en m’imaginant que moi seule connaissais cet endroit qui me semblait si sauvage. Je vous parle d’un temps… révolu, où les parents n’avaient pas peur de laisser leur enfant se balader seul. Je réaliserai quelques années plus tard que mon endroit secret était en fait un spot bien connu des pêcheurs du coin. Mais c’est pas grave, il reste aujourd’hui encore, quand j’y retourne, mon endroit secret. Alors quand je grimpe là-haut en suivant mon petit chemin, j’ai l’impression de redevenir cette gamine qui va faire des ricochets le mercredi après-midi. Je renoue, le temps d’une balade, avec l’insouciance des jeunes années. Avec, surtout, ce sentiment intense de liberté, sans fil à la patte, et avec un paysage qui fait office d’écran géant.
Car arrivée à mi-parcours, ce petit chemin… n’a ni queue ni tête, comme dans la chanson, mais rejoint la falaise : effet wow garanti à plus de 100 mètres de hauteur. Non seulement les soucis sont loin derrière, mais l’esprit est happé par le vent, les vagues, le vide, l’horizon, les goélands. C’est en longeant la falaise que je fais le plein de résolutions, que je trouve des solutions, ou simplement que j’arrête de penser pour juste ressentir, et je me rends compte à quel point c’est un luxe. Je suis prête pour amorcer la descente en douceur, pour revenir vers la civilisation, quitter ce petit chemin pour retrouver le bitume, tranquillement, et attaquer la journée du bon pied…
Et vous ? Vous avez votre petit chemin ? Celui dont on ne se lasse pas ? Celui qui se transforme à chaque pas ? À la fois toujours le même et toujours différent ?