Le paradoxe de la déconnexion

Après cette étrange année, faite de télétravail, de distanciel, de visios, de mails et d’écrans à n’en plus finir, il était temps de déconnecter. Mais déconnecter de quoi au final ? Parce que je ne sais pas vous, mais moi, je me sers beaucoup de mon smartphone en vacances… et pourtant je n’ai vraiment pas la tête dans les pixels. Paradoxe ?

Un (tout petit peu) peu plus près des étoiles

La tête tournée vers les sommets, assise face au mont Blanc — non loin de là où l’écrivain John Ruskin avait ses habitudes (une « pierre à Ruskin » commémore son passage et ses habitudes contemplatives à Chamonix) —, je glisse un peu de verticalité dans mes idées, pour mieux les agiter.

Idées fraîches avec vue sur les glaciers des Bossons et de Taconnaz sur le sentier de la « pierre à Ruskin ».

Car figurez-vous qu’alors que je suis en vacances, je me surprends à me servir beaucoup de mon smartphone. Je me pose donc la question : la déconnexion des esprits doit-elle obligatoirement s’accompagner d’une déconnexion totale du numérique ? En d’autres termes, faut-il complètement couper les ponts, et le Wi-Fi, avec son smartphone, pour renouer avec la tranquillité ?

On n’est pas bien là ?

Bien sûr que non. Une vie sans Internet est devenue totalement utopique. Elle est possible. Aussi possible et facile que vivre dans une grotte. Nos comportements excessifs avec les univers connectés sont problématiques, mais Internet en soi est une invention formidable.

Balmat montrant à Saussure une borne wi-fi

Je n’ai donc pas du tout remisé mon smartphone dans un tiroir, c’est peut-être même l’inverse. J’ai téléchargé l’appli Chamonix qui me fournit ma dose de météo, activités, transports ; couplée à Maps et mes applis de rando, elle me sert à organiser mes journées de piétonne au pays des grimpeurs. Je dégaine l’appareil photo, évidemment. Je dégaine aussi le pass sanitaire le cas échant (très loin de toute polémique). Et savoir que s’il se passe quoi que ce soit pendant une randonnée en montagne, je peux joindre de suite quelqu’un (à condition d’avoir du réseau, ce qui est le cas même à 3 800 mètres…) est sacrément sécurisant. Et parce que j’ai cette forme de sécurité pratique dans mon sac à dos, je me sens parfaitement déconnectée : je suis loin des urgences professionnelles, mais au plus près de mon lieu de vacances.

En toute zénitude

Parce que pour le reste, j’ai tout coupé : les alertes habituelles des applis de médias auxquels je suis abonnée, et les notifications d’où qu’elles viennent. J’ai dans la foulée également coupé le son et le vibreur. Je ne consulte mes mails qu’épisodiquement. Mes comptes sur les réseaux sont en sommeil. Et j’ai définitivement la tête hors des pixels.

Connectée, mais au paysage.

Il suffit parfois de prendre un peu de hauteur pour y voir plus clair. Les vacances sont une période propice à une réorganisation en douceur du temps. Ou plutôt des temps : priorité au temps familial, social, au temps de loisir, et cette priorité doit trouver un écho sur le smartphone. Notre téléphone doit s’adapter à nous, et non l’inverse. Pendant la période estivale, notre rapport au numérique peut n’être concentré que sur l’aspect pratique : ne prendre que ce qui nous facilite la vie, et ne surtout pas prendre la tête. Nous avons la chance d’avoir dans la poche un guide de voyage, un organisateur, un appareil photo, un traducteur, n’hésitons pas à nous y connecter… pour mieux déconnecter du reste.

La déconnexion des esprits passe par une petite dose de Wi-Fi… La solution est peut-être là : pour déconnecter, reconnectons. Mais à l’essentiel uniquement. Je vous laisse méditer, randonner, déconnecter, reconnecter, mais surtout, passer un bel été. (Et si ce n’est pas encore fait, n’oubliez pas de vous abonner à Pause marine, la newsletter pour déconnecter en randonnant ;-).

Une rue bientôt engloutie

C’est une adresse fantôme à l’aune du numérique : la rue du Chevington n’existe pas sur Google Maps. Une bête histoire d’orthographe. Sans le vouloir, Google a juste pris un peu d’avance : dans quelques années, peut-être mois, cette rue aura disparu, engloutie par les vagues une soixantaine de mètres plus bas. Cette petite rue, d’à peine 1 km, longe le littoral, et offre une vue magique sur la Manche. Je suis très souvent venue arpenter ce kilomètre merveilleux, qui imprègne l’âme et lave le regard. Mais c’en est fini de cet espace si inspirant, il est désormais interdit à la circulation, avant de disparaître peu à peu, par morceaux, et d’aller rejoindre l’estran.

La petite rue du Chevington, en haut, puis en bas…

Ici, le relief est sensible. Il est taillé dans la dentelle de craie. Les vagues qui battent inlassablement les flancs des falaises ont toujours le dernier mot. Leur travail de sape est implacable. Il y a quinze ans, une dizaine de maisons, dont le jardin donnait déjà sur le vide, ont été détruites par anticipation. 

À droite, on distingue encore une dizaine de maisons en bord de falaise début 2000.
À gauche, 20 ans plus tard…

Les éboulements, plus ou moins importants, se succèdent, au gré de la météo. La pluie abondante des derniers jours le laissait prévoir : un pan entier de la falaise vient de s’écrouler, faisant de la rue de Chevington le trait de côte au sens propre. Les jours de la rue sont comptés, comme le sont ceux de cette maison de vacances, qui n’est plus désormais qu’à quelques mètres du vide.

Je suis déjà nostalgique de cette rue éphémère, qui doit son nom à un naufrage, celui du Chevington, steamer qui, en mars 1896, par un jour de brouillard et de tempête, s’est échoué ici. Lors des très grandes marées, son épave est encore visible. La mer conserve tout, y compris les souvenirs engloutis de ces marches aérées, libres, avec cette impression luxueuse de faire jeu égal avec les goélands, et d’avoir le ciel, la mer, la terre pour moi toute seule. 

goéland falaise chevington randonnée

Des falaises et des chiffres

falaises normandes

D’ici 20 ans, le long des 140 kilomètres de la côte d’Albâtre, du Havre au Tréport, ce sont près de 230 hectares de falaises qui s’écrouleront, et cèderont leur place à la mer, soit l’équivalent de plus de 300 terrains de foot. Telles sont les prévisions du Cerema dans son étude sur le littoral de Seine-Maritime récemment publiée.

Montagnes de mer

Ce fut une belle rando. Et une belle course. Une belle rando-course. Ou rando-trail. Bref, un parcours sublime avec un délicieux mélange d’allures et de sensations, tantôt à altitude zéro, tantôt à 100 mètres au-dessus des vagues, sans aucune platitude. Des lignes droites en trompe-l’œil, des pleins, des déliés, des petits monts et des petites merveilles. En tout, 14 kilomètres, et pas moins de 650 mètres de D+/-, dans un paysage sans filtre, brut de couleurs et de lumière, où même le souffle du vent est une invitation au voyage. 14 kilomètres de liberté pure, avec du vent, du soleil, des petits sentiers, un grand GR, des vaches, et une descente à pic dans une valleuse incroyable, battue par les vents. C’est exactement pour ce genre de sorties que j’ai décidé de me lancer dans l’aventure d’un marathon sur-mesure, aux portes de chez moi… À suivre.